__________________________________INNOVATION on ENGINEERING, MANUFACTURING, FINANCING shaping the AEROSPACE INDUSTRY

11 mai 2008

Finmeccanica: exemple d'une nouvelle stratégie US ?

Le groupe italien d’armement, aéronautique et d’électronique de défense Finmeccanica serait, selon le quotidien économique « La Tribune » en discussion avec le groupe américain d’électronique de défense DRS Technologies en vue de le racheter, vraisemblablement pour une somme de 2.6 milliards €. Pour le moment, le site officiel de l’électronicien n’a pas encore communiqué sur cette négociation. Mais cette information illustre au mouvement de grande ampleur dont les conséquences pourraient bien être inquiétantes.

Que fabrique DRS Technologies ? la société propose les produits couvrant les domaines du C4I (Command, Control, Communications, Computers and Intelligence) à savoir des radars, senseurs IR, systèmes de communications embarqués, système d’entraînement aérien, systèmes de contrôle aériens etc… ; les domaines RSTA (Reconnaissance, Surveillance & Target Acquisition) avec des produits tels que des senseurs IR optiques, des désignateurs de cibles, des systèmes de soutien technique (énergie débarquée, système de gestion des données), et des services de soutien technique.

Avec l’appréciation de l’Euro, le moment paraît opportun pour les sociétés européennes d’acquérir des sociétés américaines, et cela était déjà le cas avec le rachat par EADS de la société américaine PlantCML que nous avons déjà étudié dans un précédant post. Par ailleurs, avec le développement de la filiale d’EADS sur le sol US en vue de fournir les avions ravitailleurs à Northrop Grumman pour le compte de l’USAF, le rachat par EADS de l’américain Plant CML, le développement ancien de BAe aux Etats-Unis, force est de constaté que le marché Américain semble de plus en plus attirer les sociétés européennes d’armement et d’électronique de défense. THALES a lui aussi remporté des contrats pour le compte de l’US army (Système radio PRG-4) et pour l’US Coast Guard (radars embarqués).
Il s’agit là d’une bonne chose : car les groupes européens doivent pouvoir racheter des compétences utiles y compris aux USA.


Néanmoins, deux éléments doivent être appréhendés : d’abord, de nombreux groupes européens, de défense ont, dans leur capital, l’Etat via des institutions. Or les autorités fédérales US sont assez sensibles sur le sujet estimant que le rachat de groupes US technologiquement sensibles peut porter atteinte à la sécurité nationales. Si Finmeccanica était autorisé par les autorités fédérales, alors cela ouvrirait la voie à des possibilités pour des groupes tels que DCNS, THALES, mais aussi NEXTER. Mais le risque est grand de voir les groupes de certains alliés « suiveurs » se voir autorisés à racheter, alors que les sociétés d’alliés plutôt « rétifs » seraient déboutées.

Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans le cas BAe (6ème fournisseur du pentagone) : le groupe britannique de défense considère clairement que le marché US est sont PRINCIPAL marché. Si de plus en plus de groupes européens fabriquent pour le marché US, alors (et cela vaut tant que les doctrines militaires tactiques et stratégiques américaines prévaudront) les produits fabriqués et les investissements opérés à l’occasion répondront à des exigences basées sur lesdites doctrines….les mêmes produits étant par la suite proposés aux européens, même un peu « européanisés ». Or la pensée doctrinale US n’est pas forcément la plus pertinente, et les besoins des militaires européens, ne sont pas forcément les mêmes que ceux de l’oncle Sam.

Soulignons le risque de voir les sociétés européennes devenir des sous traitantes partielles pour des programmes US : elles tireraient des profits financiers certes, mais perdraient peut être l’initiative en matière d’innovation ou en capacité industrielle à développer un produit de A à Z. de plus, les capitaux immobilisés pour répondre à des demandes du Pentagone seront indisponibles pour répondre à des projets Européens ! Rappelons que Finmeccanica, via ALENIA, fournit l'USAF avec son avion tactique de transport C27-J SPARTAN, de même que AGUSTA WESTLAND est implanté aux USA, en fournissant d'ailleurs l'EH-101 aux Marines et à la Maison Blanche (hélicoptère présidentiel).

Ne devenons pas parano, mais si les politiques américains voulaient rapprocher le plus possible USA et Union Européenne, en particulier sur le domaine de la défense, il faudrait faire en sorte que les militaires européens aient les mêmes visions stratégiques et tactiques que leurs homologues US. Pour ce faire, en plus du cadre formel qu’est l’OTAN, il faudrait agir indirectement pour permettre aux groupes d’armement européens de fournir le pentagone soit en produits complets, soit en les faisant participer à des projets « multinationaux ».. L’idée est généreuse et alléchante pour nos groupes européens. Mais les produits répondent à des exigences (spécification techniques), lesquelles sont propres à une vision de l’utilisation que l’on se fait desdits produits (utilisation tactique), dans le cadre d’une démarche réfléchie (stratégie globale), cette dernière découlant forcément d’une doctrine. Non seulement les industriels européens ne pourraient pas mobiliser les capitaux utiles aux projets européens, mais ils proposeraient aux armées européennes, à des prix compétitifs (les coûts étant déjà amortis sur le marché US) des produits répondant à une tactique, une stratégie, et donc une doctrine particulière…lesquelles seraient aussi adoptés par les forces armées européennes. La diffusion des doctrines ne se feraient plus de manière top-down, mais Bottom-up : le matériel proposé et acheté influençant directement les conceptions du combat.


Pour conclure, ce mouvement de développement aux USA de nos groupes d’armement en général est une bonne chose bien évidemment, mais il reste que nos gouvernements européens, doivent fournir des investissements en matière de défense et d’aéronautique en particulier dans le but de garder au moins le contrôle de sa base industrielle et technologique. La guerre économique n’est pas seulement industrielle, commerciale et financière, elle est aussi conceptuelle, sur le plan des idées. Au lieu d’uniformiser la demande, on uniformise l’offre. Cette « idée » n’est d’ailleurs commercialement pas novatrice.


Sources :
http://www.latribune.fr/info/Finmeccanica-negocie-le-rachat-de-l-americain-DRS-Tech-~-IDB17A0B500EAD371CC1257443005FA5FF-$RSS=1
http://www.drs.com/

Matthieu T.