Cet article fait suite à la publication d’Usine Nouvelle « AIRBUS prépare son Yalta industriel ». Le très bon papier d’Hassan Meddah pointe les solutions trouvées par le management d’AIRBUS pour optimiser son modèle industriel et relever le défi du lancement de l’A350, de la rationalisation de l’A380 et de la préparation du successeur de l’A320, la poule aux œufs d’or d’AIRBUS.
FLYINTELLIGENCE est assez dubitatif quant à la réorganisation industrielle qu’entreprend le constructeur. La logique défendue est pourtant implacable : « Pour gagner en efficacité et compresser ses coûts, la direction d'AIRBUS a décidé de miser sur la spécialisation de ses sites d'assemblage. La ligne de partage des eaux, arrêtée par Louis Gallois, et confirmée par Tom Enders confie à Hambourg la charge des futurs monocouloirs, programmés pour l'après-2020, et à Toulouse celle des longs courriers (A330, A340, A350, A380). »
On est donc face un dilemme : optimisation du modèle industriel vs parité franco-allemande/participations croisées. De notre point de vue, le problème est de convaincre les allemands de jouer européen et pas uniquement allemand. On constate que nos sympathiques voisins d’outre-Rhin se sont évertués à reconstituer un savoir faire en Allemagne depuis les quinze dernières années et encore plus depuis la création d’EADS. Problème : cette politique d’accroissement de puissance industrielle aéronautique n’est elle pas en contraction avec l’idée même du consortium européen et de parité franco-allemande ?
L’Allemagne, force motrice : Jusqu’à présent, les allemands ont-ils eu un effet positif au sein d’AIRBUS ? Oui, sans aucun doute ! Ils sont depuis l’origine d’AIRBUS la pierre angulaire du constructeur. Sur les quarante dernières années, c’est la parité qui a prévalu. De plus la création d’EADS au tournant des années 2000 avec les allemands a permis au constructeur européen de voir sa part de marché passée de 20% en 1998 à plus de 50 % aujourd’hui. Les allemands ont aidé AIRBUS à conquérir le marché mondial de l’aviation commerciale au détriment de BOEING.
Problème de Supply chain : La spécialisation Allemagne = Monocouloirs / France = Longs courriers pose un premier problème essentiel, celui de la sous traitance. AIRBUS rappelle que l'assemblage ne représente que 5 % de la valeur d'un avion. Ceci signifie que la majorité de la valeur est apportée par les équipementiers et la supply chain. Or il est clair que les allemands privilégieront l’usinage, la production, l’approvisionnement chez des sous traitants du bassin d’Hambourg et non de la région Midi Pyrénées. Il n’y a qu’à regarder la déconfiture actuelle de LATECOERE pour voir comment chaque fournisseur sera sacrifié sans problème.
Problème de pérennité de la structure : Optimiser le modèle industriel d’AIRBUS de cette manière revient à creuser un sillon de plus en plus important entre deux activités, Monocouloirs / Longs courriers, qui ont peu de choses en commun. Le risque est qu’à la première friction politique, la tentation réapparaise de séparer plus encore le pôle France et le pôle Allemagne. Le risque est réel mais faut il blâmer les allemands ? Le top management français d’AIRBUS et d’EADS a montré depuis 2006 sa grande faiblesse (délit d’initiés et autres farces de ce genre). De plus, il est lamentable que les intérêts français au niveau de l’actionnariat soient si mal représentés. Le journal « Les Echos » pointait cette semaine la participation sans passion du groupe Lagardère. Du coup il n’est pas étonnant que les allemands aient souhaité consolider leur propre structure et prendre leur distance avec les pratiques françaises.
AIRBUS est à un tournant de son histoire. Le challenger, maintenance leader, doit renouveler sa gamme, faire face à BOEING et aux nouveaux entrants. Les options stratégiques qui se décident actuellement chez AIRBUS / EADS impacteront (hypothèqueront ?) grandement l’avenir de l’industrie aéronautique civile française .
Adrien
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Source :
USINE NOUVELLE :AIRBUS prépare son Yalta industriel