__________________________________INNOVATION on ENGINEERING, MANUFACTURING, FINANCING shaping the AEROSPACE INDUSTRY

08 février 2010

Les enjeux de la maîtrise stratégique de la propriété intellectuelle par Airbus

Maîtriser la PI est aujourd’hui pour Airbus, comme pour tout industriel, un facteur clé du succès de son implantation et de son développement sur un marché. La PI est réputée pour être un outil de protection de l’innovation, mais elle est aussi un véritable outil stratégique au service des entreprises.

Malgré son coût élevé, elle permet de préserver la création de valeur, et elle est une arme offensive efficace lorsqu’elle résulte d’une stratégie prédéfinie. Les nouveaux pays industriels, à l’instar de la Corée et de la Chine, ont parfaitement compris que la PI est un outil de guerre économique. Il s’agit d’une nouvelle grille de lecture à adopter, de nouveaux enjeux à assimiler, qu’on envisage, ou non, de s’implanter dans ces pays.

La Chine est le terrain d’affrontement d’Airbus et Boeing de demain. L’hyper puissance capitalistique chinoise permet à Pékin de mettre en place un « new deal » redoutable : « nos marchés contre vos technologies ». Si les règles de la concurrence interdisent les monopoles, elles n’interdisent pas les monopsones! Contraint de rester sur ce « marché du siècle », Airbus est en train de créer de futurs rivaux asiatiques ; et en tout état de cause, il s’expose aux risques de la contrefaçon, si fréquente en Asie. En 2007, Airbus créait une joint-venture à Tianjin, pour la chaîne d’assemblage final de l’Airbus A320, constituant ainsi la troisième ligne de production du consortium, après Toulouse et Hambourg. L’Européen souhaite, en effet, 50% du marché chinois pour 2012. Sa stratégie de partenariats privilégiés vise à réduire les risques de fuites technologiques. Nonobstant ces précautions, Pékin estime impératif « d’assimiler, maîtriser, absorber les technologies et posséder les droits de PI ».

Sources de ces rivalités, des différences substantielles entre les systèmes juridiques dont dépendent les systèmes de PI. Dans les pays de Common Law, la notion de délai de grâce, de droit du 1er déposant ou inventeur, d’opposabilité des demandes non publiées, diffèrent profondément par rapport aux règles qui prévalent dans les pays de droit romain. D’où de nombreuses erreurs dans la gestion de la PI par les entreprises, et des coûts considérables pour les déposants. Même si la Chine semble plus encline depuis quelques années à garantir la PI, la mise en place d’un système complet est difficile. Les industriels étrangers rapportent, à ce propos, qu’au bout de quelques mois, ils trouvent sur le marché leurs produits et matériels copiés à l’identique. Il faut donc en avoir conscience, pour mettre en œuvre des moyens de défense de sa PI.

Quelles sont les causes de ces violations industrielles ? La lutte contre la contrefaçon est freinée par la multiplication des contrefacteurs due à l’essaimage sauvage, à une administration souvent corrompue –tout du moins négligente – et à un territoire gigantesque. Leur naïveté, leur absence trop fréquente de conseil en stratégie d’intelligence économique exposent les investisseurs et exportateurs européens comme Airbus au risque de pillage de leurs technologies. Le doublement des budgets de R & D des multinationales dans ces pays créent des problèmes évidents de gestion de la PI, comme le fait d’embaucher des chercheurs locaux qui quitteront un jour l’entreprise… avec ses secrets. Selon l’indice de Park, le niveau chinois de développement de la PI est faible : 2/5 ; alors qu’il est de 5/5 aux EU et de 4,5/5 en France.

Alors, comment Airbus peut-il réagir sur un marché aussi stratégique pour lui que la Chine ? Airbus doit uniformiser les pratiques de PI du groupe, opérer des échanges fréquents entre responsables de différents pays, créer des équipes multiculturelles, multiplier les responsabilités transversales, comme le propose l’industriel français Air Liquide, ou encore obtenir une harmonisation du contentieux pour mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité (projet European Patent Litigation Agreement). Airbus doit se bâtir une réputation de breveté offensif hostile. Il doit, enfin, se faire conseiller, avant son entrée sur un marché : c’est le sens de la création française du FII (France Intelligence Innovation), chargé d’aider les entreprises partageant des données à sécuriser leur confidentialité, et ainsi à mieux protéger leur PI.

Seule une excellente maîtrise, défensive et offensive, de sa PI, permettra à Airbus de conserver ses avances technologiques, sa domination sur Boeing, et de conquérir le grand marché chinois.

Tristan

Sources:

Livre blanc, « le défi des investissements français en Chine ».

Ifri, « la propriété intellectuelle dans les réseaux mondiaux d’innovation ».