__________________________________INNOVATION on ENGINEERING, MANUFACTURING, FINANCING shaping the AEROSPACE INDUSTRY

20 janvier 2010

La guerre de l’information au cœur des relations concurrentielles Airbus / Boeing

La guerre marketing que se livrent l’Américain Boeing et le consortium européen EADS, détenteur d’Airbus, depuis l’arrivée de ce dernier sur le marché international place la gestion de l’information au cœur des stratégies d’influence des deux groupes.

Le lancement, fin juin 2009, des premières liaisons régulières d’A380 par les compagnies Fly Emirates et Singapour Airlines, avait été relayé par les médias internationaux, grâce à la publicité colossale qu’avait développée le groupe Airbus autour de l’évènement.

Pour casser la dynamique spectaculaire de son concurrent direct, Boeing a régulièrement recours à des méthodes de déstabilisation des moins orthodoxes, en détournant l’information ou lançant diverses rumeurs.

Ainsi, en 2007, Boeing avait publiquement déclaré que l’A380 générait beaucoup plus de « turbulences de sillage » dans l’air que le B-747 américain. La densité de ces turbulences conditionnant la cadence de décollage et d’atterrissage des avions dans les aéroports est un critère déterminant pour ces derniers pour l’achat d’avions. Marque de patriotisme économique à l’Américaine, la FAA (administration fédérale américaine de l’aviation dépendant du Ministère des transports), à la tête de laquelle se trouve le Président américain, aurait profité stratégiquement de cet argument, pour limiter l’expansion commerciale et l’influence d’Airbus sur le marché américain. Notons que par sa production chaque année des NOTAM (Notices to Airmen), mais aussi par le lobbying qu’elle exerce jusqu’au sommet de l’Etat, ou qu’elle subit des grands groupes américains, la FAA est en mesure de peser sur le marché de l’aviation. D’ailleurs, sa présidente, Marion Blakey est une puissante lobbyiste américaine conservatrice en particulier au Sénat et anciennement attachée au Ministère du commerce. Ainsi, ce type de manipulation de l’information au service d’une stratégie concurrentielle au bord de la légalité a de nombreux précédents.

Chacun se souvient de l’affaire du Concorde. L’administration américaine, voulant préserver les intérêts commerciaux de Boeing, avait interdit l’entrée du Concorde sur la marché américain, prétextant le bruit généré par l’avion. Dès lors, aucune compagnie étrangère n’avait acheté de Concorde, de peur de ne pas pouvoir se poser sur le sol américain, destination indispensable à la rentabilisation d’un avion de ce prix.

La manipulation de l’information par Boeing s’est encore illustrée en juin 2009, après le crash aérien de l’A330. Les experts de Boeing avaient approché des journalistes, et les avaient orientés dans leur analyse des causes du crash. Les contre-expertises par des entreprises de la même activité sont des pratiques courantes. Néanmoins, les relations concurrentielles conflictuelles entre Boeing et Airbus laissent deviner les conclusions émises par les experts américains.

Il ne fait aucun doute que ce type de rumeurs et d’informations détournées ont un impact conséquent, de surcroît, sur la cotation boursière des groupes EADS et Boeing. D’autant plus, lorsque les analystes de l’agence de presse financière américaine « Bloomberg », fin janvier 2008, annoncent prématurément Boeing comme potentiel vainqueur, face à EADS, d’un appel d’offre aussi pharaonique que stratégique (près de 140 Mds d’euros), pour le remplacement des avions-ravitailleurs de l’armée américaine ; cela alors même que l’avion proposé par EADS apparaissait plus compétitif, et la cotation boursière de Boeing mal en point. En effet, l’analyste Eric Hugel fait partie de ceux qui pensent que Boeing est «le fournisseur préféré» et que «pour perdre il devrait faire quelque chose de vraiment stupide».

L’intervention des Etats dans les secteurs stratégiques tels que l’aéronautique et la manipulation de l’information modifient les rapports de force économiques et commerciaux traditionnels. A ces multinationales d’en tirer les conséquences, en mettant en œuvre les moyens de défense nécessaires à la préservation de leurs intérêts commerciaux sur l’échiquier mondial.

Tristan