Disposant d’un carnet de commandes d’appareils solide pour les années à venir, et de filiales aux quatre coins du monde (Europe, Etats-Unis, Moyen-Orient, Chine et Japon), Airbus croit en ses perspectives de marché.
Selon EADS et Boeing, le marché de l’aéronautique, toujours prometteur, aurait besoin de 25000 à 29000 nouveaux appareils d’ici 2028, ce qui représenterait environ 3100Mds de dollars ; alors même que la crise de 2008 avait fait chuter le trafic aérien. La formidable dynamique de ce marché s’explique par des besoins croissants en renouvellement d’avions consommant moins de kérosènes, et moins polluants, mais en outre par la forte demande de la région Asie-Pacifique. L’A320 et le B737, qui occupent 65 à 70% du marché des moyens courriers, conservent de surcroît une grande avance technologique et risquent de rester encore longtemps les plus sollicités sur le marché.
Néanmoins, sur les 20 prochaines années, le marché des longs courriers apparait bien plus stratégique ; il représente en effet 40% des ventes d’avions. C’est pourquoi, Airbus a choisi de se positionner sur le marché chinois, qui ouvre d’immenses perspectives. Le groupe européen se trouve, toutefois, face à un dilemme : en investissant le marché chinois, Airbus se positionne en n°1 à court terme face à Boeing, en Asie. Mais, en contrepartie, Airbus prend le risque de faire l’objet de fuites technologiques. A long terme, la Chine sera en mesure d’être autonome. Sa main d’œuvre importante et bon marché lui permettra de produire bien plus d’appareils que les Occidentaux. Peu à peu la Chine les évincera des marchés asiatiques et privera Airbus de toute perspective sur le plus important marché du monde. Si le consortium européen refuse de pénétrer le marché chinois, Boeing le fera. Le résultat à long terme sera le même, mais à court terme Airbus se privera de toute perspective de marché en Asie, et de toute chance de se consolider à court terme, voire de survivre à l’échelle mondiale à long terme. Airbus ne peut pas prendre ce risque, déjà continuellement écarté du marché japonais, au profit des Américains, pour des raisons politico-historiques, en tout cas concernant les courts et moyens courriers ; même si les longs courriers tels que l’A380 offrent des perspectives plus favorables aux Européens.
En plus des marchés trustés par Boeing, les Américains maintiennent fermées aux concurrents la porte à certains marchés, comme c’est le cas au MO de la Syrie : fin décembre 2009, les EU avaient rejeté une demande de la France de lever l’embargo sur la vente d’avions à la Syrie. La flotte Syrian Arab Airlines ne compte plus que 6 Airbus ; de quoi y voir pourtant un marché potentiel pour EADS au MO.
Alors, l’ouverture ne pourrait-elle pas venir du marché américain ? Pour le moment démentie, une information circule de plus en plus sur le rachat éventuel par EADS du groupe International Lease Finance Corporation (ILFC), filiale du géant américain de l’assurance AIG. ILFC est un très important loueur d’avions, basé en Californie et possédant plus de 1000 appareils. ILFC avait été sauvé de la faillite en 2008 par des aides d’Etat américaines, preuve que le gouvernement américain y voit un intérêt stratégique. Son rachat permettrait à EADS de pénétrer davantage le marché américain. Cela mettrait un peu plus Boeing en difficulté sur ses propres bases, dont le siège est à Seattle et qui se retrouverait ainsi déstabilisé géographiquement, et donc d’ouvrir des perspectives de marché au groupe européen directement chez son rival, en principe chasse gardée de l’industrie américaine. Déjà en juin 2004, James Roche - alors chef de l’armée de l’air des EU - avait émis le souhait qu’EADS puisse accéder au marché américain ; cette nouvelle concurrence favoriserait, selon lui, l’innovation et la réduction des prix.
En tout état de cause, après la chute des cours boursiers de début 2010, où EADS avait été pénalisé par sa filiale Airbus (-2,62%), le Directeur Général Délégué d’Airbus, Fabrice Bréguier, déclarait que l’objectif d’Airbus en 2010 est de doubler les livraisons d’A380.
Si Airbus semble décidé et en mesure d’exploiter ses perspectives de marché, notamment en Asie, celles-ci continuent d’être conditionnées par sa rivalité géostratégique, voire politique, avec les Américains.
Tristan