L’OMC est le principal régulateur du commerce international, mais aussi des pratiques concurrentielles des multinationales, depuis la Conférence de Singapour de 1996. Le véritable contentieux juridique international que se livrent les deux géants de l’aéronautique, Airbus et Boeing, depuis 5 ans, et l’examen par l’OMC des pratiques commerciales et versements d’aides présumées, illustrent le poids de cet arbitrage et l’impact de l’encadrement des autorités de concurrence sur ces multinationales.
Au cœur de leurs stratégies commerciales respectives, chacun dénonce les aides d’Etat perçues par l’autre, sources de distorsions de concurrence.
Le 4 septembre 2009, l’OMC a rendu un premier rapport dans lequel il juge illégales, car abusives, les subventions accordées par les gouvernements européens à Airbus. La Commission Européenne a contre attaqué et attend désormais le rapport traitant des aides de la NASA et du Pentagone présumées versées à Boeing. Il s’agit, en tout état de cause, du plus lourd contentieux dont l’OMC ait jamais été saisi, avec un préjudice chiffré par Washington à 205 Mds$.
Néanmoins, l’encadrement qu’exerce l’OMC sur la politique concurrentielle d’Airbus doit être vu comme un atout, alors qu’elle apparaît comme un frein pour sa stratégie commerciale. L’entrée d’Airbus sur le sol américain est rendue difficile par l’importance des barrières douanières, et délicate par l’interventionnisme fréquent des fonds d’investissement américains (comme In-Q-Tel ou Carlyle), pour soutenir l’industrie nationale stratégique, comme l’est le secteur de l’aéronautique.
A l’inverse, la CE, par sa politique d’ouverture internationale à la libre concurrence, se montre frileuse quant à la protection des industries européennes face aux OPA hostiles d’origine extracommunautaire. La CE va jusqu’à accorder elle-même des aides aux concurrents étrangers lors de leur installation dans l’Union Européenne. Ainsi, la CE avait même accordé des aides aux usines italiennes construisant des bouts de Boeing 787. A quand des subventions du gouvernement américain pour Airbus ? Que dire encore des aides de l’Etat italien accordées au nouveau Centre de Recherche de Développement Boeing, deuxième centre européen du genre ; quand, dans le même temps, Airbus se voit limiter l’accès à ces recherches, pourtant partagées avec d’autres centres européens comme le CNR ; ou bien quand Boeing s’insurge contre les aides d’Etats européens (l’Italie n’est pas visée…) versées à Airbus. Que dire, enfin, du lobbying anticoncurrentiel des deux sénatrices de l’Etat de Washington, Etat siège de plusieurs sites majeurs de Boeing, auprès du Pentagone, pour s’assurer que l’Européen Airbus, aux pratiques concurrentielles dites déloyales, soit écarté du crucial appel d’offre des avions ravitailleurs américains (140 Mds€)? Espérons, à ce propos, pour Airbus, que le Pentagone ne prendra pas sa décision avant juin 2010, date à laquelle l’OMC rendra son rapport sur les aides présumées versées par le Pentagone à Boeing, depuis plusieurs décennies…
L’OMC joue un rôle majeur dans la régulation des pratiques concurrentielles et des stratégies commerciales des multinationales. Il serait désormais souhaitable que la lourdeur de sa bureaucratie et sa lenteur procédurale ne privent pas EADS du contrat majeur des 10 prochaines années, pourtant largement à la portée des Européens initialement.
Tristan